Une avancée scientifique remarquable pour harmoniser les réglementations de la pêche dans les pays riverains du Lac Tanganyika
Une même réglementation de la pêche dans les 4 pays riverains du lac Tanganyika s’avère une voie obligée pour venir au secours des 3 espèces surexploitées de poissons d’importance commerciale : Stolothrisa tanganicae (Ndagala, Dagaa), Limnothrisa miodon (Lumpu, Imbiya) et Lates stappersii (Mukeke, Mgebuka). En 2021, la plupart des poissons sont pêchés avant l’âge de maturité sexuelle. De même, les règles à appliquer pour pêcher ne sont pas les mêmes dans les quatre états, et leur application diffère aussi parfois.
Ces dernières décennies, les pêcheurs des 4 pays ont introduit divers engins de pêche pouvant leur permettre d’exploiter toutes les niches écologiques du lac. Le filet soulevé, le filet maillant dormant, la senne tournante, la senne de plage, le filet encerclant et tous types de lignes et palangres sont couramment utilisés dans les eaux du lac Tanganyika. Certains engins sont dévastateurs en soi, comme la senne de plage qui détruit tout sur son passage. D’autres sont détournés de leur utilisation initiale, comme les filets maillants lorsqu’ils deviennent encerclants ou dérivants, et deviennent à leur tour des dangers pour la survie des stocks qu’ils exploitent. Par ailleurs, les riverains du lac utilisent par milliers des toiles moustiquaires pour capturer les alevins, malgré le fait qu’elles sont interdites depuis des décennies dans les quatre pays.
En vue de remédier à cette situation, la FAO et l’Autorité du Lac Tanganyika, à travers le projet Lake Tanganyika Fisheries Management « LATAFIMA » financé par l’Union Européenne, ont commandité une étude pour déterminer pour les trois espèces de poissons : la taille à maturité sexuelle, les engins de pêche qui seraient les mieux appropriés pour les capturer à l’âge adulte seulement, ainsi que la période de repos biologique qui leur serait favorable pour grandir et se reproduire. A cette fin, le projet LATAFIMA a mobilisé en 2021 une équipe de chercheurs du Burundi, de la RD Congo, de la Tanzanie et de la Zambie pour actualiser le connaissance de ces paramètres dans les eaux des quatre pays.
Le Professeur Gaspard Ntakimazi (Burundi), le Docteur Akonkwa Balagizi Désiré (RDC), le Docteur Ismael Kimerei (Tanzanie) et le Docteur Lloyd Haambia (Zambie) sont les chercheurs chefs d’équipes qui ont conduit cette étude.
Les scientifiques et les autorités nationales de pêches des quatre pays ont conclu à l’unanimité, lors d’un atelier de validation tenu à Bujumbura en août 2021, que les tailles minimales de capture devaient devenir 10 cm pour Stolothrisa tanganicae, 11 cm pour Limnothrisa miodon et 26 cm pour Lates stapersii. Signalons ici que cette taille de capture de Lates stappersii est déjà en vigueur depuis plusieurs années en Tanzanie et au Burundi.
Les scientifiques et les autorités ont émis, toujours à l’unanimité, une vingtaine d’autres recommandations à appliquer sur l’ensemble du lac. Elles portent sur la détermination des engins de pêche autorisés, la limitation de la pêche dans certaines zones selon le type d’engin de pêche, ou encore des sanctions pénales aggravées pour les multi-récidivistes. Aussi important, les scientifiques ont conclu sur la nécessiter de fermer le lac entier à toute pêche à une période donnée, chaque année, pour permettre aux espèces commerciales principales de grandir et se reproduire, afin de reconstituer les stocks actuellement épuisés par la surpêche. Les conclusions des chercheurs doivent être soumises, comme c’est la règle à l’Autorité du Lac Tangnayika, aux comités représentants les autorités et les acteurs de la pêche au lac Tanganyika, lors de l’atelier annuel de l’ALT, qui se tient en 2021 en Tanzanie à Kigoma, en décembre. Ces acteurs doivent alors trancher sur les règlements à recommander aux ministres, lors de la Conférence des Ministres des pêches qui s’ensuit immédiatement, aussi à Kigoma. L’urgence de la situation des stocks piscicoles, l’appauvrissement des populations qui vivent du poisson, à tous ses stades d’exploitation ou de vente, la menace de carence alimentaire des populations causée par la mauvaise pêche, laisse présager une prise de décision consensuelle et décisive de la part des quatre gouvernements qui se partagent le lac Tanganyika.

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